L'Ayurvéda préconise un certain nombre de purifications et d'onctions, essentiellement sous la forme de massages ou de cures.
Le massage ayurvédique
Traditionnellement, en Inde, le massage fait partie de l'hygiène globale quotidienne et du soin apporté à toutes les composantes de l'être. On se masse soi-même ou on pratique le massage au sein de la famille : le massage de la plante des pieds avec un bol en cuivre et autres métaux et du beurre clarifié est exécuté par les petits enfants, dès l'âge de trois ans ; ils massent les pieds de leurs parents ou grands-parents pendant que ceux-ci leur racontent des épisodes du Ramayana ou leur lisent des contes. Un massage de la tête est surnommé « massage belle-mère/belle-fille » parce qu'il calme le mental et améliore les relations parfois difficiles entre ces deux femmes. L'échange de bonnes vibrations et d'amour à travers le massage les rapproche. Le massage ayurvédique est un massage holistique qui, au delà du corps physique, concerne aussi les autres enveloppes de l'être. L'énergie cosmique, passant à travers les mains du masseur, détend le corps du massé, élimine les toxines, purifie les émotions, calme les pensées, met dans un état de paix intérieure propice à la méditation. L'énergie d'amour qui circule entre le masseur et le massé nourrit l'âme. Une relation de confiance est indispensable car c'est un acte quasi sacré de toucher le corps de l'autre. La plupart des massages se font avec de l'huile de sésame, pure ou mélangée à des herbes ayurvédiques. Celle-ci a la capacité d'ouvrir les canaux énergétiques et le pouvoir purifiant de l'onction peut alors agir. On donne la plupart des massages sur un tapis au sol pour rester en lien avec l'Elément Terre. Le contact avec la terre, l'eau, la lumière permet de se recharger sur le plan énergétique.
Les cures ayurvédiques
Une cure est une pause, un rendez-vous avec soi-même pour prendre soin de soi, se régénérer, aller vers un bien être durable. Pendant une cure, de vieux blocages affectifs ou émotions négatives se dénouent grâce aux différents massages et purifications annexes (Panchakarma ou les 5 actions : oléation, sudation, nettoyages de l'estomac, de l'intestin et du nez). Le repos est très important car un travail subtil se fait pendant ce temps de vacance. On constate souvent qu'après une cure, le visage des curistes est rayonnant et détendu, on voit plus clair dans sa vie, on trouve des solutions à des problèmes non résolus, on prend de nouvelles décisions, on change de mode de vie.
C'est le moyen privilégié proposé par l'Ayurvéda pour éviter les problèmes de santé, éliminer les problèmes chroniques et opérer un nettoyage physique, affectif, mental, pour aller plus loin dans notre évolution intérieure. Pas besoin d'aller au delà des mers pour faire une cure ayurvédique. Il y a quelques années, soucieuse de limiter mon empreinte carbone et de découvrir un petit coin d'Inde en France, je décidai, pour ma première cure, d'expérimenter une cure ayurvédique à 250 kilomètres de Paris au centre Tapovan Normandie. Dans une oasis de verdure, de grands arbres et de fleurs, je suis accueillie par le chant des oiseaux et le vol harmonieux des papillons. On me propose d'abord un tour du domaine qui compte plusieurs hectares. Je traverse le potager et le verger avec ses légumes et fruits bio, la serre qui croule de tomates juteuses qui voisinent avec des plantes exotiques. Petite marche méditative dans le jardin mandala. Plusieurs bâtiments sont répartis sur le domaine et abritent salle de yoga, salles de réunion pour les élèves, salle à manger, boutique-librairie, chambres à coucher, halls Tagore et Menuhin réservés aux différents colloques organisés par le centre, espace pour la cure. Je croise des élèves qui se rendent à leurs cours car Tapovan est aussi un important centre de formation. En créant Tapovan, l'un de nos buts était de proposer un espace où l'homme est pensé dans sa globalité à tous les niveaux de son être et trouve matière à les nourrir et les épanouir, que ce soit dans les dimensions physiques, artistiques, intellectuelles ou spirituelles. L'autre but était de créer un lieu qui rappelle l'esprit de « Shantiniketan » de Rabindranath Tagore : un lieu ouvert d'apprentissage continu de l'essence du yoga et de l'ayurvéda, un lieu de ressourcement dans un bel environnement de nature » m'explique le fondateur et directeur des centres Tapovan, Kiran Vyas qui a quitté l'Inde il y a presque trente ans pour faire mieux connaître en France les bienfaits de l'Ayurvéda et du yoga.
Mon premier contact avec la cure ayurvédique est un entretien avec un praticien en Ayurvéda qui me soumet à un questionnaire varié sur mon alimentation, mon mode de vie, mon état d'esprit, etc. Le but de cet entretien est de déterminer quelle est ma constitution. Je ressers de là dotée d'une qualité supplémentaire : je sais que je suis Vata Pitta. La belle affaire ! Tout le monde discute de sa constitution pendant le dîner. La pauvre néophyte que je suis se sent perdue dans cet univers de mots sanskrits chantants mais dont je ne saisis pas d'emblée le sens. Au bout d'une semaine, je pourrai commencer à jongler avec ces mots exotiques qui ont caressé mes oreilles (pichauli, udvartana, shastishalipindsweda). Le lendemain matin, je me retrouve allongée sur un lit douillet dans une salle claire et spacieuse dans laquelle flotte un léger parfum d'encens et des effluves de musique indienne.
Déjà, je me sens très loin du rythme stressant de ma vie quotidienne. Je suis ailleurs, dans un autre espace, un autre temps, une autre énergie. Je sens que je ne suis pas allongée parce que je suis alitée mais pour me faire du bien. Je me laisse aller. Je suis sur le point de sombrer dans le sommeil quand une voix douce me demande l'autorisation de me masser les pieds : « Est ce vous m'accordez votre confiance pour ce massage ? » Dans l'état semi - léthargique où je suis, je lui accorde volontiers la confiance qu'elle me demande, avec cependant une petite pointe d'inquiétude car je suis chatouilleuse. Mais toute réticence disparaît bientôt lorsque deux mains habiles et douces se posent sur mes pieds dont personne ne s'était jamais occupé ainsi auparavant.
Curieuse cette première impression de « massée », des questions me viennent à l'esprit : pourquoi donner mes pieds à une personne inconnue ? Ai-je mérité que l'on s'occupe ainsi de moi ? Que dois-je faire pendant ce temps-là ? Mais très rapidement tout s'estompe pour laisse place à un immense bien-être. Un dialogue intense, muet mais vibrant s'instaure entre ces mains bienfaitrices et mon corps qui s'abandonne. Après avoir palpé quelques minutes mes pieds, la masseuse enduit de ghee (beurre clarifié) le kansu (bol en métal) et en balaie la plante de mes pieds. Des vibrations envahissent mon corps et je prends soudain conscience que mon corps vit autrement, comme s'il se réveillait lentement d'un long sommeil. Des images surgissent, claires et apaisantes.
Les impressions de ce premier massage vont être confirmées par les autres massages et soins proposés. Au début du massage du ventre, je ressens une sensation presque déplaisante autour du nombril, puis une délicieuse détente m'envahit avec le relâchement de zones profondes qui se libèrent. Des émotions sortent au cours de certains massages, je les laisse aller et ai l'impression de m'alléger peu à peu. Entre autres délices, le massage à l'huile chaude à quatre mains, bain d'huile qui dénoue les tensions. J'apprécie le ballet des quatre mains qui parcourent mon corps, comme une danse savamment orchestrée. Pendant le massage avec des pochons de riz trempés dans du lait chaud, je retrouve mon âme d'enfant. Je sens mes articulations se délier, mon corps devenir de plus en plus perméable, comme si les anciens contours de mon corps s'effaçaient pour laisser place à un nouveau corps. Curieuse sensation qui s'approfondit au fur et à mesure de la cure. Je suis menée vers des sensations inconnues, vers un voyage intérieur, vers un nouveau dialogue avec mon propre corps et mon être tout entier. Je me raccroche à mon vieux Moi, mais ce compagnon fatigué craque, résiste, puis cède sous la pression des nouvelles énergies qui se mettent en place. Les prémisses de cette renaissance ou naissance de moi-même ne vont pas sans tiraillements.
La semaine se finit dans la douceur. Mon corps, habitué aux massages, est de plus en plus réceptif, accueillant. J'ai pleinement conscience que cette cure s'adresse à la fois à mon corps et à l'au-delà de mon corps. Je redécouvre mon corps renouvelé, huilé, nettoyé, plein d'énergie, remis à neuf comme une voiture après sa révision. Je sens mon corps souple. Mes épaules, mon cou, mon dos, mon ventre se sont bien détendus. Une nouvelle jeunesse m'habite. Je me sens vivre intensément, y compris dans les zones endormies jusque là. J'ai pris conscience du lâcher prise nécessaire et de la place parfois tyrannique du mental dans mon moi précédent. Je suis davantage en harmonie avec l'extérieur, avec les autres, avec la nature qui m'entoure. Chaque soin m'a apporté une écoute nouvelle de moi-même et je rends grâce à tous ceux, thérapeutes, jardiniers, cuisiniers, toutes les mains qui font de Tapovan ce havre de paix où l'on soigne l'âme en même temps que le corps. Il me faut maintenant refermer la parenthèse, quitter ces lieux où l'atmosphère est différente, réintégrer la vie quotidienne. J'ai pris conscience de certains changements nécessaires dans mon alimentation, mon mode de vie, mes relations avec autrui. Je me sens plus forte, plus légère, plus lumineuse. Peut-être mon entourage sera-t-il frappé par la détente de mon visage, quelque chose d'imperceptible mais de différent. Il me reste à cheminer encore vers moi-même plus en profondeur. La cure a été un déclic. Je suis en marche vers moi même.
Auteur : Pacale Léger
avec l'aimable autorisation de la revue Infos-Yoga
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