En finir avec la déprime | 07/01/2012 |
Fatigue, angoisse, envie de rien... Irritabilité, tristesse, besoin accru de sommeil, perte d'intérêt pour les activités quotidiennes... sont autant de signes à ne pas négliger.
Avant de se précipiter sur les médicaments,il est important d'identifier la nature et les causes des symptômes. Stress, anxiété ou dépression ? Il n'est pas toujours facile de faire la différence. Le simple stress se manifeste en présence d'agents dits stresseurs, mais il disparaît avec eux. Ainsi, le stressé au travail se sent mieux pendant les vacances. L'anxiété a tendance à persister même lorsque les « stresseurs » ont disparu. Dans une dépression, ces symptômes sont encore plus marqués et, à la différence du stress et de l'anxiété, le dépressif ralentit son activité et se désintéresse de tout. Aujourd'hui, l'épidémiologie des troubles dépressifs légers et passagers se révèle inquiétante : plus de 15 % de la population française serait concernée, et les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. La vraie dépression, dite majeure, est une maladie grave, parfois assimilée à tort à une déprime légère et transitoire, et à des troubles mineurs de l'humeur.
L'automne rime souvent avec baisse de forme
La dépression saisonnière est liée au manque de lumière naturelle qui survient en automne et en hiver, lorsque les journées raccourcissent et que la luminosité ambiante baisse en intensité. Vous devenez irritable ou triste, vous ressentez un besoin accru de sommeil, une appétence particulière pour les sucres. Vous vous plaignez aussi de fatigue, d'une prise de poids, d'une perte d'intérêt pour vos activités quotidiennes. Pas assez sévères pour justifier la prescription d'un antidépresseur, ces signes sont souvent négligés, au risque de s'amplifier et d'évoluer vers une dépression caractérisée. Toute plainte, même mineure, doit être prise en considération et mérite une réponse et une solution.
Trop c'est trop
Une personne peut souffrir d'une pathologie du « trop plein » lorsqu'elle est surmenée, soumise à trop de contraintes et de travail. Ce surmenage entraîne des troubles du sommeil, de l'humeur, de la vigilance. À l'opposé, un individu peut être confronté à une pathologie du « trop vide » à la suite d'un deuil, d'une rupture sentimentale, d'une perte d'emploi. Ce vide existentiel se traduit par une perte de motivation et d'intérêt pour les choses de la vie. Il y a aussi les pathologies de « ce qui se passe de travers » consécutives à un sentiment de harcèlement, d'injustice, de vexation ou d'humiliation, et qui provoquent une dévalorisation de soi et une perte de confiance en soi.
Traiter en douceur les troubles de l'humeur
En cas de coup dur, certaines personnes se replient sur elles-mêmes et ne cherchent aucun soutien extérieur. Elles pensent qu'il s'agit uniquement d'un problème de volonté et qu'en se « secouant » un peu elles iront mieux. D'autres ne consultent pas parce qu'elles se méfient des antidépresseurs classiques. Le fait qu'ils agissent sur le cerveau leur fait craindre un changement de leur personnalité, et elles redoutent les phénomènes d'accoutumance. Votre pharmacien peut vous proposer des médecines plus douces, mais il ne pourra vous conseiller que s'il s'agit de dépressions mineures et transitoires, ou de manifestations brutales et réactionnelles mais brèves (échec d'un projet, déception sentimentale par exemple). En provoquant une relance énergétique, ces produits aident à retrouver l'élan vital et à prendre du recul afin de mieux appréhender les problèmes du quotidien.
Restez zen naturellement
Une prise en charge avec la phytothérapie peut être envisagée avec un suivi à quinze jours auprès d'un professionnel de santé. Le millepertuis (Hypericum perforation) est la seule plante reconnue par les autorités françaises en traitement de courte durée, chez l'adulte, dans les manifestations dépressives légères et transitoires accompagnées d'une baisse d'intérêt et de troubles du sommeil. Des précautions d'emploi doivent être respectées, l'utilisation du millepertuis pouvant notamment être à l'origine d'interactions avec d'autres médicaments. Vous devez absolument suivre les recommandations. D'autres plantes peuvent rééquilibrer l'humeur : le ginseng, qui lutte contre l'excès de fatigue ; le Cinkgo biloba, qui atténue les symptômes anxieux et dépressifs chez les sujets âgés ; le houblon, la valériane ou l'aubépine, qui agissent sur les troubles du sommeil.
Les oméga 3, bons pour le moral
Les acides gras de la famille des oméga 3 sont censés redonner le moral et réguler l'humeur. Des déficits nutritionnels peuvent être associés à des difficultés sociales marquées par de l'agitation, de l'impulsivité et de l'anxiété, et un déséquilibre oméga 3/oméga 6 est un facteur de risque du syndrome dépressif. L'humeur étant une notion subjective, il est difficile d'affirmer les effets stabilisateurs des oméga 3. Leur implication dans la dépression majeure et la maladie maniacodépressive est discutable, rien n'est scientifiquement prouvé actuellement. Plus le diagnostic et le traitement d'une dépression sont précoces, plus les risques de rechutes diminuent. II existe cependant quelques publications qui montrent que les oméga 3 pourraient agir sur l'équilibre émotionnel. Notre organisme ne sait pas les synthétiser, alors, pour faire une cure d'oméga 3, mangez des poissons gras (saumon, hareng, maquereau, sardine...), consommez des huiles de colza ou de noix, ou demandez des compléments alimentaires à votre pharmacien.
Faites le plein de lumière
La diminution de la luminosité étant la cause principale de la dépression saisonnière, une des solutions pour retrouver le moral est de prendre l'air au moins une heure par jour, ou de pratiquer des exercices physiques, de type vélo ou marche à la lumière du jour. Si vous êtes frileux et si vous préférez faire du cocooning chez vous, laissez pénétrer le maximum de lumière naturelle à l'intérieur de votre maison, choisissez de nouveaux éclairages ou faites des séances de photothérapie ou luminothérapie. Le principe est simple : pendant quelques semaines, exposez-vous trente minutes par jour face à une lampe spécialement conçue pour diffuser une lumière de forte intensité (de 5 ooo à 10000 lux). Il existe des lampes portatives qui vous permettent de vous traiter douillettement à domicile. La fréquence de l'exposition diminue au fur et à mesure des améliorations. Renseignez-vous auprès de votre pharmacien.
Les hommes aussi
Souvent présentée comme une pathologie essentiellement féminine, (les femmes sont 2 fois plus touchées que les hommes par les troubles dépressifs), la dépression touche aussi le sexe masculin. Il n'y a pas de sexe fort, les hommes sont vulnérables et ils le sont à tout âge, alors que les femmes sont plus sensibles à certains épisodes de leur vie marqués par des déséquilibres hormonaux (post-accouchement, règles, ménopause). Face à la dépression, les hommes réagissent souvent par une consommation accrue d'alcool ou de tabac, ou se réfugient dans le travail, le sport ou d'autres occupations qu'ils pratiquent de façon intensive pour oublier leurs problèmes.
Autre spécificité masculine, le fait d'attribuer cette situation à des facteurs extérieurs comme un surmenage professionnel ou des conflits au travail, alors que la femme attache plus d'importance aux problèmes relationnels avec ses proches. Alors que les femmes consultent rapidement et prennent elles-mêmes la décision de le faire, les hommes ont tendance à occulter ou à minimiser leur mal-être ; ils se replient sur eux et cachent leur état à leur famille, à leur entourage. Ils ne consultent que tardivement, souvent sur la pression de leurs proches.
Les antidépresseurs sous haute surveillance
Un état dépressif non traité dure en moyenne entre six et dix mois et 75 % des déprimés connaîtront un nouvel épisode dépressif dans les six mois qui suivent ; la répétition des épisodes augmente la probabilité d'en faire de nouveaux. Le suicide demeure un risque très redouté : 20 % des personnes souffrant d'une dépression majeure commettent au moins une tentative de suicide ou ont un comportement suicidaire. Le traitement comprend les antidépresseurs classiques et la psychothérapie, qui occupe une place centrale. Les traitements antidépresseurs ne se
conçoivent que lorsque les capacités d'adaptation sont dépassées, et ils sont prescrits en cas d'épisodes dépressifs caractérisés, d'intensité modérée à sévère, se manifestant par des symptomes spécifiques depuis au moins quinze jours, presque chaque jour et toute la journée.
Les bons mots
L'attitude générale vis-à-vis d'une personne déprimée doit être empathique et chaleureuse. La dépression n'est pas un « état d'âme » ni une marque de «faiblesse de caractère », et encore moins « une maladie honteuse ». Il faut éviter les remarques telles que : « Réagissez, vous vous en sortirez si vous faites preuve de volonté » ou : « D'autres sont passés par là ».
Quelques phrases peuvent aider à reprendre le dessus :
> prenez soin de vous et acceptez vos limites actuelles ;
> faites ce que vous pouvez et maintenez une activité minimale ;
> ne vous isolez pas ;
> parlez librement de votre état à votre entourage, ainsi qu'à votre thérapeute.»
Quand consulter ?
Peu de dépressifs acceptent d'emblée de se reconnaître comme tels, et l'entourage, ou le professionnel de santé, doit suspecter la maladie sous le masque de plaintes diverses. Si les troubles persistent ou s'intensifient avec des conséquences sur la vie personnelle ou professionnelle, il faut consulter pour ne pas retarder le diagnostic et le traitement médical car, plus ils sont précoces, plus les risques de rechute diminuent. II n'y a pas de réels moyens de prévenir une dépression.
La dépression du sujet âgé
La dépression arrive en tête des pathologies mentales du sujet de plus de 65 ans. Plusieurs facteurs favorisent sa survenue :
> le passage de la vie active à la retraite;
> le deuil (y compris celui d'un animal familier);
> le départ des enfants du foyer;
» une solitude ou un isolement social;
> une réduction d'autonomie liée aux handicaps physiques, aux maladies chroniques, aux douleurs ;
> les déménagements et l'entrée en maison de retraite.
Entretien
La dépression : un vrai changement de comportement
Avec le Dr David Gourion*, Psychiatre installé à Paris, ancien chef de lique de l'hôpital Sainte-Anne, Paris
- Les premiers signes d'une dépression vraie ?
Les quatre symptômes spécifiques sont la tristesse, la perte de plaisir, la fatigue et la perte d'énergie. Ils sont indissociables de la rupture qui se produit dans la façon de fonctionner de la personne. Leur impact réel et profond sur le mode habituel de comportement signe l'entrée dans la dépression. Il est essentiel de repérer les changements d'attitude, de réaction, qui accompagnent les symptômes (conflits au travail, tension en famille, disputes au sein du couple, brouilles avec les amis...).
- Quels sont les objectifs et les modalités des traitements antidépresseurs ?
Les recommandations officielles sont, pour un premier épisode, de traiter pendant six mois à la dose nécessaire pour être efficace. L'objectif est la rémission des symptômes, leur amélioration ne suffit pas car il y a risque de rechute. Il faut obtenir le retour à l'état normal. On évalue l'efficacité du traitement à la sixième semaine. Et, selon la réponse obtenue, on peut augmenter les doses ou changer de médicaments. Une deuxième évaluation est faite à 3 mois pour poursuivre le traitement à la dose optimale jusqu'à 6 mois.
- Comment éviter les rechutes ?
Pour éviter toute perte de chance, il faut traiter le plus précocement
possible. Or le contexte médiatique actuel génère un climat de méfiance et une stigmatisation de la dépression et des antidépresseurs, il devient honteux d'avouer une dépression. Il faut savoir que, lors d'un troisième épisode, le risque de rechute est de 70 %. Dans ce cas, le traitement est envisagé sur deux ans, c'est un traitement préventif pour couvrir la vulnérabilité de la personne et éviter qu'elle rechute.
- Quel rôle peut jouer le pharmacien ?
Une bonne coordination entre le médecin et le pharmacien est essentielle. Le pharmacien doit savoir évaluer, par un simple questionnement, l'impact des plaintes sur le fonctionnement de la personne. Si celui-ci n'est pas altéré, s'il s'agit d'une simple déprime passagère, les médecines douces peuvent suffire, sinon il doit lui conseiller une consultation médicale sans perdre de temps. Son rôle est aussi de s'assurer de la bonne compréhension du traitement, de détecter les réticences ou les doutes qui peuvent subsister. Le patient doit se sentir en confiance, rassuré sur le bien-fondé de la prescription et motivé pour respecter les posologies et ne pas interrompre le traitement dès la moindre amélioration.
(*) Coauteur avec le Pr Henri Lôo du livre
« les Nuits de l'âme : guérir de la dépression ».
Auteur Claude Enriques
Avec l'aimable autorisation de la Revue Pharma Référence
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