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La vérité sur le Bisphénol A 18/02/2012

Depuis le mois de mars dernier, l'Union européenne a décidé d'interdire la production de biberons renfermant du bisphénol A, puis leur commercialisation à partir de juin. Le point sur ce composé très controversé, utilisé dans la fabrication de plastiques alimentaires.

 

Synthétisé pour la première fois en 1891, le bisphénol A a ensuite été très étudié au cours des années 30 dans le but de mettre au point des médicaments ayant les mêmes effets que les hormones féminines, les estrogènes ; il ne fut finalement pas utilisé dans ce but. En revanche, il est très largement employé depuis de nombreuses années dans la fabrication industrielle de plastiques de type polycarbonates et résines époxy, ainsi que dans le PVC ou polychlorure de vinyle. Des composés que l'on retrouve dans une foule de produits d'usage courant, parmi lesquels les lunettes, les CD, les bouteilles d'eau et autres plastiques alimentaires, les canalisations, ou qui servent à tapisser l'intérieur de certaines boîtes de conserve métalliques et de canettes de boissons... Or une quantité plus ou moins importante de bisphénol A peut s'extraire spontanément des plastiques à très faibles doses, et ce d'autant plus qu'ils sont chauffés. Mais l'intensité du passage dépend aussi du type d'aliment avec lequel le plastique est mis en contact.

Le bisphénol A peut ainsi pénétrer dans l'organisme, surtout par ingestion, mais aussi par inhalation, voire en passant à travers la peau. L'Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) a montré en 2010 que le bisphénol A est aussi présent sous forme libre dans un grand nombre de tickets de caisse constitués de papier thermique et qu'il est présent en plus grande quantité dans l'urine des hôtes ou hôtesses de caisse.

 

Deux nouveaux Rapports


> L'Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement
et du travail (Anses) a publié, le 27 septembre dernier, deux nouveaux rapports sur le bisphénol A. Ceux-ci recensent les utilisations du bisphénol A - qui concerne une soixantaine de secteurs d'activités - et confirment les dangers de ce produit pour la santé. Ils soulignent l'impérieuse nécessité de réduire l'exposition des populations sensibles à cette molécule, c'est-à-dire les femmes enceintes ou allaitantes et les jeunes enfants.

> L'Anses milite pour une diminution de la dose journalière admissible du bisphénol A déterminée par les autorités sanitaires (actuellement 0,05 mg/kg} et a lancé
un appel à contributions pour réunir davantage d'informations et de données scientifiques sur ce produit.

 

Un perturbateur endocrinien


Malgré sa capacité bien connue de « mimer » l'effet des hormones sexuelles féminines, on a longtemps pensé que le bisphénol A, à des concentrations très faibles, était inoffensif pour la santé humaine. Mais tout un faisceau d'arguments a abouti à faire naître un doute quant aux impacts possibles sur la santé de cette substance massivement produite et dispersée dans l'environnement, et par ailleurs couramment retrouvée dans l'organisme d'une importante majorité de la population, quel que soit l'âge, et notamment chez les enfants.


Le bisphénol A est classé dans la catégorie des « perturbateurs endocriniens », autrement dit des substances exerçant à des concentrations infinitésimales des effets de type hormonal. Celles-ci ne sont donc pas toxiques au sens habituel du terme, mais peuvent néanmoins perturber l'organisme de façon discrète, avec des conséquences à long terme pouvant être difficiles à identifier, mais potentiellement préoccupantes, notamment en ce qui concerne la croissance, particulièrement du cerveau et du système cardio-vasculaire. Diverses données épidémiologiques incitent à penser que ces perturbateurs endocriniens pourraient être en particulier impliqués dans des phénomènes dont la cause est demeurée longtemps mystérieuse.

Leur rôle a ainsi été mis en avant pour expliquer certaines observations : l'augmentation du nombre de cancers du testicule depuis plusieurs dizaines d'années dans certains pays européens ; une baisse de la qualité du sperme depuis cinquante ans, en particulier en Europe et en Amérique du Nord ; des variations dans la fertilité des femmes et dans l'avancement de l'âge de la puberté chez les filles (globalement, 15 % des fillettes américaines débutent leur puberté à 7 ans, 23 % chez les jeunes filles noires).

 

Des études chez l'homme

 

Une des études les plus convaincantes réalisées sur l'impact du bisphénol A dans l'espèce humaine a été réalisée grâce au suivi*, aux États-Unis, de plusieurs milliers de personnes depuis les années 60. Ce suivi a montré une corrélation entre la quantité de bisphénol A dans l'urine et le risque de souffrir d'un diabète ou de maladies cardio-vasculaires. Dans une expertise collective publiée en juin 2010, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) a souligné que le bisphénol A était une substance jugée « préoccupante pour la fertilité de l'espèce humaine », en raison « d'effets toxiques possibles mais non démontrés sur la reproduction ». L'INSERM vient également de publier les résultats d'une étude réalisée en France (Bretagne et régions de Nancy et de Poitiers) entre 2002 et 2006, montrant que le bisphénol A augmente le poids de naissance des garçons, et cela d'autant plus que les mères étaient plus « imprégnées » par ce produit pendant leur grossesse.


Une question actuellement très débattue est celle des doses concernées par les effets mesurables sur la santé du bisphénol A. Tous les experts n'étant pas d'accord, certains estiment que le principe de précaution doit donc s'appliquer dans ce cas. C'est d'ailleurs en invoquant celui-ci que l'Union européenne et la France ont décidé d'interdire la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A. Rappelons que, jusqu'en 2008, près de 90 % des biberons étaient à base de polycarbonates et renfermaient donc à ce titre du bisphénol A. Par ailleurs, un parlementaire français vient de demander que soit apposé un pictogramme signalant la présence de bisphénol A sur les produits en contenant afin d'inciter les femmes enceintes et les jeunes mamans, notamment allaitantes, à ne pas les utiliser et d'encourager les industriels à proposer des produits de substitution.

 

LES PERTURBATEURS ENDOCRINIENS

 

Les effets possibles, probables ou démontrés, des perturbateurs endocriniens, identifiés surtout par des travaux chez l'animal, sont les suivants :

> Altération des fonctions de reproduction chez l'homme : baisse de la qualité du sperme.

> Chez la femme, anomalies du fonctionnement des ovaires, de la fertilité, de l'implantation utérine après fécondation et de la gestation.
> Malformations du système reproducteur : absence de descente des testicules chez les jeunes enfants, malformation de l'urètre.

> Inversion du « sex-ratio » : naissance d'un plus grand nombre de filles que de garçons dans les populations exposées.

> Troubles de la maturation sexuelle.

> Perturbation du fonctionnement de la glande thyroïde pouvant altérer la croissance et le développement

> Altération du système immunitaire.

> Augmentation de la fréquence de certains cancers : sein (x 2 depuis 1980), testicule, prostate (x 4 depuis 1975).

> Le 12 octobre dernier, l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi visant à interdire l'utilisation du bisphénol A dans les contenants alimentaires, avec mise en application au 1er janvier 2014.

 

(*) Cohorte NHANES : National Health and Nutrition Study.

 

Auteur  :  Didier Rodde

Avec l'aimable autorisation de la revue Pharma Référence

 



Michel  Chauvet
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